Cela fait désormais un mois et demi qu'avec Astrid, on se connait. On avance doucement, mais surement, que ce soit en affectif ou qu'en travail. Je n'ai pas envie de relater tout mes faits et gestes, mais le plus important à retenir, c'est qu'on a beaucoup travaillé à la voix. On a fait pas mal de western, et du dressage. Bref.
Il est 18h. Astrid vient me chercher. Elle me selle de manière légère.
A cette heure-ci, l'environnement change. Le soleil commence à peine à descendre, et la chaleur s'en va, tout en continuant d'émaner du sol.
Le vent est léger, juste bien pour me permettre de ne pas trop transpirer.
On arrive dans la carrière. Je savais très bien en quoi consistait cette séance; Depuis une semaine, je le sais. Je suis partagé entre anxiété et excitation. Astrid a fait un boulot formidable, et sait comment je suis. J'ai regagné pas mal de confiance en moi ces derniers temps, et j'aime beaucoup Astrid. Mais aujourd'hui, séance de saut, en tant que "Test".
Ce n'est pas que je n'aime pas le saut, mais par manque de confiance, pour me rendre intéressant, par la peur de l'echec, de me blesser, je dérobais toujours.
Je sais désormais ce que je vaut, en espérant ne pas fuir comme un lâche au dernier moment.
On se place au centre de la carrière. Elle vérifie une dernière fois la sangle, le garrot, elle chausse le pied dans l'étrier et elle me monte dessus.
Elle règle ensuite ses étriers, et me demande de marcher au pas. Je suis rênes longues, je suis la piste sans broncher. Elle est désormais prête ; elle enfourne les pieds dans les étriers, raccourcit les rênes, s'avance dans la selle et se remet droite. Elle prend la cravache qu'elle avait glissé dans sa botte avant de monter, et comme d'habitude, la prend de la main gauche.
Elle presse les mollets sur mon ventre, et me dit "Lag, trotter !", et accompagne sa voix d'un claquement de langue. Je trottine donc, sous le soleil. Elle me donne un coup de talon, car je ne vais pas assez vite. Je me redresse, et j’accélère le pas. Au fur et à mesure, elle me fait trotter de plus en plus vite. En tant qu'exercice, elle me fait alterner grande longueurs au trot allongé, et petits côtés au trot très lent, trot assis.
Après ça, elle me laisse respirer un peu. Au bord de la carrière, il y a un jet d'eau. Elle se penche, allume l'eau, et boit. Je tape du pied, afin de manifester ma soif aussi. Elle se penche sur mon encolure, et tente de tendre au maximum le bras sur le côté gauche de ma bouche. Je l'ouvre, et essaye de boire. ça la fait rire.
On reprend ensuite la piste, au pas. J'ai des rênes semi longue, et je garde la tête basse. Astrid me ressangle tant bien qu'elle peut, puis raccourcis ses étriers d'un ou deux trous. Elle ajuste ses rênes, recule sa jambe extérieure , et presse ses mollets. Je pars au galop, un galop de travail aux foulées régulières. Astrid se place en équilibre pour prendre de bonnes positions de sauts. On galope un ou deux tours à chaque main.
Elle descend, et monte d'abord une croix, et un vertical sur l'autre longueur.
On pars au trot sur la croix, c'est relativement simple. Après s'être échauffés, on tente le vertical. J'ai hâte de lui montrer ce que je vaux, mais en même temps, j'ai peur de la décevoir. On s'élance au galop. Je me retrouve face au vertical. Il doit y avoir 5 bonnes foulées. Je calcule vite la distance, afin d'éviter de buter devant, ou d'avoir une "demi-foulée". On passe sans problème ce 75cm.
On refait de même jusqu'à 85 cm. Mais là, la peur monte à vitesse grand V.
Elle transforme la croix en un vertical de 90cm, et le vertical en oxer, je dirais un peu plus de 65cm de large pour 80 de haut. Je ne suis pas un grand sauteur à vrai dire.
Je me retourne vers elle, et je souffle un grand coup. Elle fait pareil,et me flatte l'encolure. Elle me dit
"On fait ces deux derniers, et après c'est fini"
Je regarde les deux obstacles. Je gratte le sol, je m'impatiente. Vais-je y arriver ? ou échouer ?
"Je sais que tu vas le faire Lag. Tu en es largement capable !"
Elle me demande un départ au galop. Je pars, et je me dis que je vais y arriver. On fait un dernier tour de galop, afin d'être bien prêt. On prend la diagonale, droit vers le vertical. Je calcule mes pas. J'ai l'impression que le temps se fige, que je galope au ralentis. Astrid est en place, prête à être en équilibre. 3 foulées, 2 foulées. J'entame ma dernière foulée, et je lève les antérieurs. Astrid est en équilibre. Je ferme les yeux durant le saut. Et étrangement, j'ai apprécié ce moment. Le temps s'était arrêté. Je ne pensais à rien. J'avais le vent dans les crins, je me sentais pousser des ailes. Je me sentais invincible, comme si rien ne pouvait plus m'arrêter, comme si je venais de prouver au monde entier que je savais sauter. Puis le temps reprit sa douce et infinie mélodie, et j'effectuai machinalement les mouvements basiques: Phase ascendante, je réouvre les yeux, et rabat mes postérieurs au sol. Mon dieu, on l'a passé.
Après la diagonale, on tourne à droite, et on prend la longueur. On fonce vers l'oxer. Elle se rassoit, me remet en équilibre, et me recanalise.
J'ai passé le pire, et j'ai sauté avec fierté l'oxer, bien que j'ai senti la barre d'assez près.
Après ça, on repasse au pas. Rênes longues, on reste dans le silence.
Elle descend, me dessangle de 3 trous, et me dit simplement "merci".
Je veux lui faire plaisir, comme elle a fait pour moi.
Alors je ferais des efforts. Même en saut.
Fin de la séance, on retourne au box.
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Sam 6 Sep - 23:33
